Dans mon atelier de forge, je crée des couteaux uniques en acier brut de forge ou en acier damassé chacun portant sa propre identité. Ma spécialité réside dans les lames en acier damassé, forgées à partir de multiples couches d'aciers différents, soudées et pliées à plusieurs reprises.
Soit je travaille avec un seul acier pour créer une lame en brut de forge, soit je travaille avec minimum 2 ou 3 aciers différents pour créer une lame en acier damassé.
Au travers d'un processus méticuleux de chauffe, pliages et martelages, chaque lame dévoile enfin des motifs distincts et uniques. Après trempe, revenu et révélation au perchlorure de fer, elles prennent enfin leur aspect final incarnant l'artisanat authentique et passionnant.
Je crée des pièces à partir d'un seul acier, avec de l'acier de récupération, ainsi chacun de ces couteaux a sa propre histoire. Il me faut une dizaine d'heures de travail pour terminer une pièce avec son manche. D'autre part, je crée des lames en acier damassé, chaque couche ayant une teneur en carbone différente. La trousse* de ces différents aciers est soudée sur elle même, ainsi qu'à une tige d'acier à béton afin de pouvoir rentrer dans le feu de la forge sans danger.
L'acier est chauffé jusqu'à la température de 1150/1200°c, jaune brillant, il est saupoudré de borax (produit naturel qui permettra d'enlever les impuretés, l'oxygène et de bien coller les aciers entre eux). La trousse est à nouveau chauffée et lorsqu'elle est à bonne température, elle sera d'abord écrasée à la main au marteau, et, par la suite, à la presse de 30 tonnes ou au marteau pilon. La trousse est alors écrasée et allongée. Celle-ci est placée entre chaque étape dans la cendre afin qu'elle refroidisse sans choc thermique. Ensuite, à froid, elle est nettoyée très proprement, puis coupée en 2 parts égales et ressoudée sur elle-même, ce qui va permettre la multiplication des couches après écrasement.
Cette méthode sera appliquée à plusieurs reprises. Avec un départ de 15 couches d'aciers, le premier pliage en donnera 30, le second 60, le troisième,
120, et ainsi de suite. Je peux choisir aussi une méthode de coupe dans la longueur et selon le modèle, choisir de torsader l'acier. Je décide également le nombre de pliages que je souhaite, en sachant que plus la trousse sera pliée, plus les motifs qui apparaîtront lors de l'application du perchlorure de fer, seront serrés. Je travaille aussi avec 5 ou 7 couches d'aciers pour les modèles de certains de mes brevets déposés. Lorsque le motif me satisfait, je dessine le contour du modèle du couteau.
Après refroidissement, il sera nettoyé à nouveau très proprement et sera placé dans un four spécial, on appelle cette étape, le revenu.
Je découpe régulièrement à la disqueuse le contour de celui-ci. Je vais poncer avec beaucoup de précaution ce futur couteau, le travailler comme si il devait être fini, épaisseur, émouture, trous pour assembler le manche, préparation de la pose d'une garde si nécessaire. Je vais faire la normalisation, trois chauffes et trois refroidissements. Ensuite, vient l'étape de la trempe, le futur couteau doit être chauffé à rouge cerise foncé, soit environ 820°c et il sera trempé immédiatement dans de l'huile préchauffée à 60°c. Ce choc thermique va durcir le couteau mais il sera devenu cassant.
Il s'agit d'une cuisson progressive en montée en température très lente. La température correspondante sera fixée pendant un certain temps, selon les données techniques des aciers et le four sera ensuite arrêté.
Ce n'est que le lendemain que les lames seront sorties du four refroidi, et, pourront continuer à être travaillées jusqu'à la finalité du couteau. Il me faut environ une trentaine d'heures de travail pour un couteau en lame damassée. Quand je dois prévoir une petite série de couteaux, je les travaille en même temps. Il est fréquent que je travaille 20 à 30 trousses à la fois. Chaque jour, je pratiquerai une étape de travail de façon à rester très méthodique et concentrée. Après toutes ces étapes de la lame, c'est la mise en place du manche et de son collage qui vont être déterminés. Soit j'utiliserai du bois, du bois de cerf, de la nacre d'Abalone, du verre dichroïque, des tranches de molaires de mammouth, du bois d'ébène du Mozambique ou du Gabon, de l'os de girafe, du corail ou prévoir des incrustations de pierres précieuses. Par la suite, sur certains manches en bois ou en bois de cerf, je peux décider d'incruster des becs de bécasses ou d'autres matières mais aussi de les sculpter. À ce moment là, c'est une centaine d'heures qu'il faudra rajouter au travail du couteau. À ce stade, la dernière étape du processus de création sera l'aiguisage de la lame.
*Trousse ou Lopin : Ensemble de plusieurs plaques d'aciers différents soudées entres elles.